Article de Marc Baumgartner, elisa-asile
L’UDC aime à se présenter comme la championne des impôts bas et du rôle réduit de l’État. Mais les motions actuellement pendantes au Conseil national montrent qu’elle n’hésite pas à gonfler l’appareil administratif aux frais du contribuable dès qu’il s’agit de compliquer encore davantage la vie des réfugié·es – sans pour autant rapprocher l’UDC de son objectif proclamé : réduire la migration.
La petite chambre, autrefois réputée « chambre de réflexion », a déjà accepté deux fausses solutions concernant la migration[1], qui seront débattues au Conseil national lors de la session parlementaire actuelle. La motion 24.4495 exige de restreindre la liberté de mouvement des personnes requérantes d’asile condamnées pénalement, alors que le Code pénal, la LAsi et la LEI prévoient déjà de telles possibilités. La motion 24.4429 veut exclure ces personnes de la procédure d’asile – ce qui est tout autant déjà réglé par la loi. Deux tigres de papier, donc, qui mobilisent les services du Parlement et les autorités fédérales pour répondre à des questions réglées de longue date. Et si elles étaient acceptées, le SEM devrait les appliquer – même si même si elles n’ont finalement aucun effet, sauf celui de harceler les personnes réfugiées.
L’UDC abuse ainsi de l’État démocratique qu’elle prétend vouloir rendre plus efficace, pour construire discursivement l’image des réfugié·es comme une menace.[2]
La motion 24.4588, traitée d’abord par le Conseil national, dépasse encore cette volonté d’élargir l’appareil bureaucratique. Le conseiller national Schmid veut limiter le statut d’asile à deux ans et imposer au SEM des contrôles réguliers. Le juriste oublie que l’asile est déjà limité à une année, mais prolongé automatiquement lorsque les motifs de reconnaissance de la qualité de réfugié persistent. Ainsi, l’asile peut certes être révoqué, mais seulement si la situation dans le pays d’origine a changé de manière profonde et durable et qu’il n’existe plus de besoin de protection – ce qui est extrêmement rare. Une révision systématique de toutes les décisions d’asile représenterait donc un effort financier et administratif colossal pour un nombre insignifiant de retraits. Et même si l’asile est révoqué, cela n’entraîne pas automatiquement la perte de la qualité de réfugié, la Convention de Genève fixant des limites strictes. Toute décision de renvoi reste par ailleurs soumise à l’interdiction du refoulement (art. 25 al. 2 et 3 Cst.; art. 32 al. 2 Conv. réfugiés ; art. 3 CEDH).
Petit rappel : l’examen de milliers d’admissions provisoires d’Érythréennes et d’Érythréens avait déjà tourné au fiasco. Politiquement imposé, extrêmement coûteux, pour un résultat misérable : 3’000 cas examinés, seulement 83 levées de permis prononcées. Ce projet raté, avec un coût exorbitant, semble être une expérience que l’UDC a visiblement envie de reproduire.
Comme si cela ne suffisait pas, la motion veut aussi transférer intégralement la compétence d’octroi des autorisations des cantons à la Confédération. Cela traduit non seulement une méconnaissance étonnante du fédéralisme suisse, mais, combiné à la bureaucratisation de la politique d’asile, reflète une envie d’un accroissement des pouvoirs de l’Etat fédéral plutôt étonnant de la part de l’UDC.
Le Conseil national, qui aime tant se donner une image d’austérité budgétaire, ferait mieux de commencer par l’asile: moins de mesures absurdes contre les réfugié·es, c’est moins de bureaucratie et nettement moins de coûts induits de santé (car le harcèlement administratif, juridique et policier a un lourd impact sur la santé psychique des personnes). Voilà qui serait une vraie politique d’asile économique!
[1] voir https://www.sosf.ch/fr/fr/article/le-retour-dun-grand-classique-la-figure-du-requerant-dasile-criminel
[2] voir https://asile.ch/2024/07/02/quand-linacceptable-devient-legal/